La gadgétisation de l’équitation, on en parle ? (2/2)

La semaine passée, j’évoquais la façon dont le matériel équestre est souvent utilisé à tort pour régler un problème d’éducation du cheval ou de compétence du cavalier. Cette semaine, je vous parle de la façon dont les marques font croire aux cavaliers qu’ils ne protègent jamais assez leurs chevaux.

Guêtres et protections

Chaque année, de nouveaux modèles de guêtres, bandes, ou hybride entre les deux sortent revendiquant toujours plus de soutien des tendons, plus de protection contre les chocs, plus de confort pour le cheval…

Mais le cheval en a-t-il réellement besoin ? La question n’est pas souvent abordée. Je suis (à tort ou à raison) de ceux qui pensent qu’en travaillant toujours les chevaux protégés, on les fragilise. Et donc je ne mets que très peu de protections à mon cheval : rien en dressage, des guêtres simples en obstacle. Si une paire de bandes bien ajustées pour un travail un peu intense ne me choque pas, il faut bien admettre que parfois on frise le ridicule. Comme cette mode de mettre des cloches aux quatre pieds en dressage. J’ai beaucoup de mal à comprendre, surtout que pendant la reprise, toute forme de protection est interdite.

Ou bien ne serait-ce donc que pour suivre un exemple et « faire comme Machin » ?

C Dujardin Tour d'honneur

Valegro bat tous les records sur le Grand Prix, mais ne peut pas faire un tour d’honneur sans être ulra protégé.

Après, il y a ceux qui protègent leur chevaux dès qu’ils sortent du box que ce soit pour des activités aussi légères qu’une sortie au paddock ou une balade au pas. Peut-être prennent-t-ils leur chevaux pour des demeurés incapables de mettre un pied devant l’autre sans se cogner ? Ou peut-être qu’à force de les conserver dans de la frigolite c’est vrai que à la moindre irrégularité du sol, c’est la catastrophe.

Les couvertures

Cet hiver, notre chère fédération (belge) a publié un reportage vidéo sur le thème de la gestion du froid en mode #conseilsdepro. Et dans cette vidéo fort instructive, on apprenait que quand il fait froid, il faut mettre 4 couvertures aux chevaux. Oui oui ! Et le pro de s’exécuter et d’empiler les couches sur son cheval. Ben, et le mécanisme de thermorégulation des chevaux alors ? La thermo-quoi ? Non, non, on ne connaît pas ça nous, par contre K*****d, vendeur de couvertures, nous sponsorise, donc mettez-en 4 à votre cheval siouplait.

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« J’ai pas froid, mais mon propriétaire bien »

Concernant l’été et l’arsenal de protections anti-mouches : bonnet, couverture de zèbre, spray,… un cheval pour se protéger a surtout besoin de crins, d’ombre, de courants d’air et de copains pour se mettre tête-bêche et se chasser mutuellement les mouches. C’est dingue comme la nature est bien faite. A croire que si on les retournait à l’état sauvage, ils se débrouilleraient tout seuls les saligots !

anti-mouche

Petite astuce perso : si votre cheval réduit systématiquement en lambeaux votre couverture anti-mouche lors de sa sortie mensuelle au paddock, en fait c’est sa façon à lui de vous faire comprendre que pour une fois il aimerait avoir sa peau direct au contact de l’air.

mouches scaphandre

« Une partie d’escrime? »

L’ergonomie

Ça c’est un gros effet de mode aussi l’ergonomie du matériel. Comme dans tout, il y a du bon et du moins bon. Le propre de l’ergonomie est de s’adapter au mieux à l’anatomie du cheval. Encore faut-il savoir quelle est cette anatomie. Un pur-sang arabe et un frache-montagne ne sont pas franchement bâtis pareil. Ils n’auront donc pas les mêmes besoins en terme de matériel.

Donc si vous revenez de la sellerie avec votre nouveau bridon à têtière ergonomique chaudement recommandé par un vendeur qui n’a jamais vu votre cheval, désolée de vous décevoir, mais ce bridon n’aura pas beaucoup plus de chance de lui aller qu’un autre choisi au hasard.

Preuve que « ergonomique » ne veut pas dire directement mieux pour le cheval, chez Fairfax, par exemple, ils ont décliné leur sangle de dressage ergonomique en deux modèles, un pour les chevaux « normaux » et un pour ceux au poitrail étroit.

fairfax 2

A gauche, le modèle normal. A droite, le modèle spécial poitrail étroit.

Les nouvelles technologies

Le monde de l’équitation est un mélange subtil entre traditions et innovations. Récemment, les objets intelligents et connectés ont débarqué dans les écuries. Il y a les systèmes de vidéo-surveillance visibles depuis le smartphone, les capteurs à placer sous la couverture pour contrôler la température et l’activité du cheval en direct, le capteur qui analyse la qualité et la symétrie des allures durant le travail. Et le bonnet-casque audio HorseCom qui diffuse de la musique au cheval et au cavalier pour réduire le stress.

horsecom

Si je veux bien admettre que la musique peut aider cavalier et cheval à mieux s’accorder, je reste sceptique quant à l’utilisation de ce genre de produit. Si stress il y a, c’est qu’il a été provoqué par quelque chose. Et donc pour le réduire, il conviendrait d’identifier la source de stress et de l’éliminer, plutôt que de rajouter un nouvel élément. Surtout qu’au prix du truc (entre 199 et €799 en fonction de l’offre choisie + 29,90€ par mois), il y a déjà de quoi se payer pas mal de leçons avec un bon professeur pour apprendre à gérer le problème.

Bon, après tout ça, n’allez pas penser que je suis une radine et une aigrie anti-tout , mais disons que quitte à dépenser de l’argent, je préfère largement viser l’acquisition de nouvelles connaissances/compétences qui me serviront toute la vie, que d’avoir un gadget de plus qui va encombrer ma sellerie.

11 réflexions sur “La gadgétisation de l’équitation, on en parle ? (2/2)

  1. Pingback: La gadgétisation de l’équitation, on en parle ? (1/2) | The many faces of Picasso

  2. Intéressant, par contre sur la notion des couvertures ils manquent les raisons. Quand un cheval de sport à plusieurs couvertures ce n’est que pour empêcher la repousse du poils au lieu de les tondre toutes les semaines. Effectivement le cheval ne craint pas le froid. C’est juste du confort pour l’un comme pour l’autre

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    • Je veux bien entendre vos arguments. Mais tous le chevaux tondus travaillent-ils comme des athlètes qui transpirent à chaque séance? Parce que je vois quand même beaucoup de chevaux de bobonnes qui font grand max 3séances pépères de 20-30 min par semaine et qui sont néanmoins tondus.
      Et le cheval ne craint pas le froid, à condition qu’il ait suffisamment de foin pour se réchauffer en le digérant. Ce qui est rarement le cas chez les chevaux qui vivent en box.

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  3. En ce qui concerne les guêtres…Je pense qu’il faut vraiment s’adapter au chevaux et au travail, je n’en met que très rarement, sauf sur mon pur qui au moindre choc (minime) est a la limite de l’agonie, alors je minimise ses éventuelles souffrance en lui mettant une paire de cloche et guêtre avant parce que le voir boiter comme si il s’était fracturé un membre juste parce qu’il s’est a peine touché un glome ça fait peur

    En ce qui concerne les couvertures c’est pareil, j’ai du couvrir mon 3ans car il avait très froid alors qu’il vit en prairie avec 2hongres, foin de qualité a volonté + ration, abri en dur et paillé et arbres..Mais il est fragile de base..
    Quand a mettre 3 ou 4 couvertures c’est de l’absurdité.. On pense toujours bien faire, mais l’ignorance est la parfois…
    Protéger oui, surprotéger non, s’adapter au cheval c’est le mieux je pense ^^

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  4. Encore un article plein de bon sens! Pour ma part, il m’est arrivé de craquer sur les « couvre montants-de file( » et « couvre muserolle » en « mouton ». Mon excuse ? Le moindre frottement et mon cheval arborait de petites plaques sans poils… Ensuite.? J’ai retiré la muserolle, retiré le frontal… pour finalement changer de filet (mais en retirant toujours cette satanée muserolle). Bref… « protège-truc » bien joli mais réfléchir avant nous aurait fait gagner du temps et (un peu) d’argent 😉

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      • Je suis d’accord avec un peu près tout mais une sortie au paddock peut s’avérer dangereuse, je préfère mettre une paire de protection sachant que dans le paddock, la plus part des chevaux se défoule et souvent coups de culs et ruades sont au rdv je pense qu’il vaut mieux minimisé les risques sans, bien sûr, être excessif

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      • Oui mais cela va de pair avec une gestion globale du cheval. Personnellement, mes chevaux sont au pré tout le temps (pré le jour+box la nuit en hiver) et n’ont donc pas besoin de protections. Auparavant mon cheval était en pension en manège mais allait au paddock minimum deux heures par jour avec un autre cheval. Il ne ressentait donc pas le besoin d’exploser. Un peu de galop oui, mais pas comme un fou furieux. Si un cheval devient dangereux pour lui-même quand on le laisse libre de ses mouvements, c’est que quelque chose n’est pas équilibré dans sa vie.

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  5. autant je suis une adepte du iPoney et des gadgets en tout genre, autant le Gros c’est freestyle ! pas de couverture, pas de guetres, pas de sangle bavette pour sauter mes petits 80 cm … il n’est pas en sucre et quand il fait le con au pré il revient en un seul morceau ! donc ce ne sont pas mes quelques foulées en croise papatte qui vont lui casser une jambe …

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